mardi 29 juillet 2014

Le tourisme alternatif

Un voyage de longue durée, c'est aussi l'occasion de découvrir un pays autrement, de sortir des sentiers battus en visitant des lieux que l'on aurait délaissé lors de vacances "normales". En ce qui me concerne, après avoir vu des dizaines d'églises, villes coloniales, plages ou volcans, j'ai décidé de faire la tournée des hôpitaux. Bien sûr j'ai dû me trouver une bonne raison à chaque fois. D'abord en Equateur j'ai perdu du poids et cherché une balance pour me peser, ce qui m'a mené à un hôpital de campagne particulier, vous vous en souvenez peut-être.
Au Panama j'ai plongé d'un bateau d'1,50m de haut, dans des eaux suffisamment profondes, et pourtant en refaisant surface, mon dos et mes cervicales me signifiaient qu'ils cessaient leur fonctionnement normal pour une durée indéterminée. Chouette, retour à l’hôpital. Plus précisément à la clinique de Pedasi, sur la cote pacifique panaméenne. Arrivé là bas à 11h, j'explique mon problème en augmentant un peu la hauteur du saut pour avoir l'air moins con, et je demande si il est possible de voir un docteur. C'est évidemment possible mais elle est partie déjeuner, elle sera de retour à 14h. Que vais-je faire pendant 3 heures dans cette ville sans histoire en ne pouvant même pas tourner la tête pour traverser le route? implorent mes yeux d'occidental capricieux à la sympathique hôtesse d’accueil. Et puis je veux bien passer sur le fait qu'elle déjeune à 11h du matin mais pas sur le fait qu'il lui faut trois heures, dis-je d'un ton autoritaire à l'intérieur de ma tête. Au final, sans comprendre pourquoi, on me fait savoir qu'elle va me recevoir tout de suite et on me dirige vers une minuscule salle équipée d'une balance, d'un mètre accroché au mur et de différents outils de médecine basiques. C'est l'heure de la pesée, m'explique la grosse dame qui entre dans la salle et la rend par la même occasion encore plus étroite. Non mais moi je viens parce que j'ai mal au coup et au dos, c'est en Equateur que je voulais me peser madame, maintenant c'est bon! C'est comme ça me dit-elle, il faut me peser et me mesurer. Et après on va me faire faire mon rôt? Je monte sur la balance et le verdict tombe, 182 ! Mauvaise nouvelle, j'ai pris 100 kilos en un mois et demi. Ah non 182 livres me précise-t-on. Qu'est-ce que c'est que cette unité à la con me dis-je, que je traduis à mon interlocutrice par "combien ça fait en kilo"? Ben ça faisait mon poids normal. Ensuite je vais pour me mesurer mais il y a semble-t-il un problème de matériel pour un type d'1,92m.


Au Panama, c'est déjà assez rare de mesurer plus d'1,80m, alors au delà d'1,90m, vous êtes plus tout à fait humain. Craignant qu'il m’enchaînent pour m'exhiber dans des foires au quatre coin du pays, je lui dis que je connais ma taille et nous en restons là.
Pour clore cette nouvelle découverte de l'univers médical latino-américain, j'ai effectivement vu une médecin, qui m'a envoyé faire des radios à 2 heures de bus de son cabinet et m'a donné des anti-inflammatoires tout à fait efficaces. Si j'avais su, je serais allé sur Doctissimo.

Et puis plus rien pendant un mois. Je me suis fait piqué par 1500 moustiques qui rêvaient tous de me refiler la dingue, j'ai mangé 1000 plats à faire s'évanouir un inspecteur hygiène et salubrité, pris 100 bus à la conduite suicidaire mais fort heureusement tapissés de posters de Jésus et de sa maman, je me suis fait broyé par des vagues grandes comme ça, côtoyé les étoiles de mer pendant des secondes qui n'en finissaient pas, j'ai surfé (parait-il) pendant quelques minutes avec deux requins, et à la fin de tout ça, pas une égratignure.

Jusqu'à ce jour de Juillet au Salvador.

Petites vagues, font sableux, pas d'orage électrocuteur ou de raies qui piquent les pieds, aucun danger à priori. Cependant, en voulant remonter sur ma planche je fais un grand mouvement de brasse avec ma jambe, directement sur un caillou venu se perdre là.  Pour protester, mon gros orteil décide de s'ouvrir en deux, soulevant l'ongle au passage. Optimiste,  j'espère le voir guérir de lui-même mais après trois jours, c'est toujours dégueu. Alors je ne résiste pas, une fois arrivé au Guatemala, à retourner à l’hôpital!  J'arrive a 9h, on me reçoit à 9h01 et à 9h15, je peux rentrer chez moi avec un ongle en moins. Entre temps, j'ai tout de même le droit à une piqûre pour anesthésier l'orteil avant d'enlever l'ongle. A la vue de la taille de l'aiguille, je me permets de demander si ça va faire mal. Ma docteur, démagogue, me répond tranquillement : "Oui". Ah, bien, c'est important la franchise. Effectivement, je serre bien fort la mâchoire quand l'aiguille pénètre et encore plus quand le produit rentre dans le pied. C'est à ce moment que je découvre le potentiel comique de ma médecin. Imperturbable face à ma douleur, elle me demande:
- vous avez pleuré non?
Sans vouloir me prêter un courage que je n'ai pas, il se trouvait que non, je n'avais pas pas pleuré.
- mais merci de demander ! lui dis-je.
Elle poursuit :
- vous n'allez pas vous endormir?
- Euh non, pourquoi je m'endormirais?
- La semaine dernière j'ai enlevé deux ongles à une patiente et elle s'est endormie.
- Hein?? c'est pas bon ça non ?!
- Non non, c'était à cause de l’anesthésiant.
- Mais j'ai bien compris, c'est justement ce qui m'embête!
Elle remplit alors la seringue à nouveau.
- Y a une deuxième piqûre???
- Oui
- Parfait! elle fait aussi mal je suppose?
- Non un peu plus, c'est sous le pied, c'est plus sensible.
Elle pique, j'en chie et elle relève la tête avec un petit sourire:
-  Regardez, je suis obligé d'appuyer avec un coton sur le dessus de votre pied, sinon l'aiguille va ressortir.
- Est-ce que vous essayez de me dire que l'aiguille transperce mon pied de part en part?
- Et voilà, c'est fini!

Cela fût ma dernière visite de l'univers hospitalier latino-américain et il n'y en aura malheureusement pas d'autre car je m'envole demain pour New York. J'y ai rencontré du personnel très sympathique et à l'écoute, je n'hésiterai pas à conseiller la visite à des amis.

Pour finir, je vois beaucoup de gens poster des photos de leurs pieds sur facebook. Leurs pieds à la plage, leurs pied à la piscine, leurs pieds dans leur cul. Comme je trouve ça particulièrement insupportable, j'ai décidé de me venger. Voici mes pieds à l’hôpital: