La saint
Valentin, c’est le contraire du père Noël, on aimerait que ça n’existe pas mais
il y en a toujours une pour vous rappeler que ça existe. C’est pourquoi le 14
février dernier, afin d’éviter qu’une inconnue se déclare être ma conjointe à
la dernière minute pour profiter d’une formule dîner spectacle gratuite, j’ai
décidé de m’envoler au Maroc. Radical mais efficace. Pour ce faire, j’ai pris
un avion muni de 2 ailes et de 5 heures de retard. Marocains et français ont parfois des
divergences mais quand il s’agit de leur vol retardé, ils se
donnent la main pour pouvoir gueuler ensemble sur l’hôtesse de l’air, qui fait
tout pour les embêter. La pauvre m’a fait beaucoup de peine, alors quand elle
s’est penchée sur mon siège, au bord de la crise de nerf, pour me demander si
je souhaitais un verre d’eau exceptionnellement offert par la compagnie low cost en guise de dédommagement,
je lui ai adressé un sourire compatissant et dit « non merci ». C’est
con, j’avais soif. Cette tension ambiante était fort inutile puisque le pilote
nous avait patiemment expliqué le pourquoi du comment c’était pas sa faute si
on aurait eu plus vite fait d’aller au Maroc en optimist qu’avec lui.
Apparemment, l’avion prévu pour le vol n’avait pas pu décoller d’Agadir parce
qu’il était un peu cassé, alors ils avaient dû en trouver vite vite un autre.
Mais à la compagnie onestnichernialheure Airlines, ils ont pas non plus tout
plein d’avions. Alors ils ont cherché partout mais pas moyen de dénicher le
moindre avion, ou un ULM, pas même un deltaplane, rien. Alors là, le directeur
a proposé d’affréter un bateau mais le stagiaire qui venait re-remplir le café
pour tout le monde et dont la belle-sœur est originaire de Cahors a dit «je
crois qu’il y a pas la mer à Toulouse monsieur ». Stupeur dans
l’assemblée, coups de téléphones en catastrophe, dépassements de forfait et au
final, location à une compagnie portugaise d’un avion qui n’avait pourtant pas
de poil sous les ailes. Moi j’ai trouvé très intéressant ce long exposé plein
de pédagogie que le pilote nous a susurré d’une voix calme et chaude parce que
sans ça, j’aurais pu penser qu’ils avaient 5 heures de retard juste pour le
plaisir de bien nous faire chier. En fait non, ils avaient pas fait exprès.
On a fini
par décoller pour un vol tranquille où on a longé la chaîne enneigée de l’Atlas
jusqu’à Agadir. A la douane, j’avais précautionneusement ouvert mon passeport à
la page ou je voulais le tampon parce que j’aime bien qu’ils soient tous les
uns à la suite des autres, c’est mon côté hôpital psychiatrique. Le douanier m’a regardé, a tourné 3 pages, et
a mis son gros tampon là, en plein milieu. Ce n’était que le début d’une longue
série d’illogismes que seul ce beau pays peut offrir. Ensuite j’ai pris un taxi,
conduit par un octogénaire malvoyant dont la Mercedes était plus vieille que
lui et qui roulait exactement au milieu de la route pour sans doute vérifier si
le marquage au sol était en bon état. Pourquoi pas. Mais quand un autre usager
avait le malheur de le doubler, il se mettait à klaxonner et le poursuivait
pendant quelques secondes, émettant bruyamment des hypothèses sur la profession
libérale de sa mère, de sa sœur et de toutes les femmes de son entourage. On a
fini par arriver à Taghazout en vie, lieu de pèlerinage de centaines de surfers
européens en hiver, venus chercher vagues et températures clémentes. A peine sorti du taxi, mon tout
premier contact avec les commerçants de Taghazout fût celui-ci :
- Salam mon ami, t’y veux une écharpe ? On a
di echarppes.
- Non merci !
- T’y veux un bonnet ? On a di bonnets
- Non ça va, merci.
- T’y veux un Tapis ? On a di tapis.
- Non non !
- T’y veux di épices ? On a di épices.
- Non vraiment, j’ai besoin de RIEN.
- Ah mais on a rien aussi !
Chapitre
faune :
Au Maroc on
trouve un peu partout des chameaux et des dromadaires, qui possèdent un nombre
aléatoire de bosses dans lesquelles ils stockent des bouteilles de Volvic. Il
n’est pas évident de distinguer l’un de l’autre. Heureusement l’éducation
nationale française nous a appris la technique du nombre de syllabes, avant
d’essayer de nous convaincre que l’on peut prénommer son enfant Ornicar sans
avoir à en rougir. Le chameau possède deux bosses car son nom est constitué de
deux syllabes. Pour les mêmes raisons, le dromadaire en possède quatre, l’une
d’entre elle étant nettement plus grosse que les trois autres. Parfois des
mutations génétiques regrettables donnent lieu à des chameaux dépourvus de
toute bosse. On les appelle alors cheval. Ou chevaux si il y en a plusieurs.
Plusieurs bêtes, pas plusieurs bosses, on est bien d’accord qu’ils n’ont pas de
bosses.
Si vous ne
savez pas compter les syllabes, le contraire m’aurait étonné, il existe une
solution plus directe qui consiste à
aborder un autochtone, montrer du doigt le camélidé et demander
« c’est un chameau
ça ? ». S’il répond « oui, c’est un chameau », c’est
qu’il s’agit d’un chameau. A contrario, s’il répond « non, c’est une
mouette » c’est qu’il vous faut penser à faire vérifier la rectitude de
votre index auprès d’un professionnel de santé.
Mais regardons
la vérité de biais si vous souffrez de strabisme ou en face pour les
autres : la faune est nettement moins variée ici qu’en Amérique du Sud.
Seul point commun, on trouve des chiens errants partout partout partout.
Certains d’entre eux ont une étiquette rose poinçonnée à l’oreille, montrant
qu’ils ont été castrés et vaccinés contre la rage. Est-il plus effrayant de
caresser un chien enragé ou un chien eunuque à boucle d’oreille, chacun se fera
son opinion. Ce qui est certain, c’est qu’ils partagent les rues avec de très
nombreux chats, espèce qui ne l’oublions pas, arrive en tête du très
prestigieux classement Forbes des 500 animaux les plus cons du monde. Pourtant, l’espèce humaine,
elle aussi en bonne place dans ce classement, aime à caresser le pelage saturé
de parasites du mignon petit chaton hideux. En conséquence, grâce à la récente
abolition du lavage de mains décrétée dans tout le pays, il est plus que
probable de finir par attraper cette fidèle amie que le voyageur a appris à
tutoyer au fil des mois : La gastro-tourista-vomi-caca-dodo-pendant-24h.
Voir suite.
Chapitre
flore (intestinale) :
Surfant sur
l’intérêt grandissant des français pour les cuisines exotiques, je vous propose
une nouvelle chronique dans ce blog, la
recette du vagabond. Cette semaine, découvrons ensemble la gastro-entérite à la berbère.
Difficulté :
très facile
Prix :
tous budgets
Temps de
préparation : 8 à 12 heures
Temps de dégustation :
1 à 2 jours
Ingrédients
pour plusieurs personnes (préférez des produits issus de l’agriculture
biologique) :
- 1 estomac entier
- Quelques mètres d’intestin grêle que vous
pourrez enrouler si manque de place
- Un gros intestin
- 1 œsophage et 1 anus fonctionnels
- Un demi-poulet label rouge
- Environ 300 grammes de beignets de calamars
- Quelques olives vertes
Préparation :
Faîtes
revenir le demi-poulet dans l’huile tiède de votre friteuse jusqu’à ce qu’il
soit bien rose à l’intérieur. Laissez reposer 48 à 72 heures à l’abri du froid.
Appelez votre chat, qui ne viendra pas par pour les raisons que l’on sait, puis
cherchez-le et caressez-le abondamment. Pendant que le poulet repose,
munissez-vous des calamars achetés le mois précédent, coupez-les en rondelles avec
votre main gauche et agitez votre main droite horizontalement avec entrain.
Répétez l’opération jusqu’à disparition de la dernière mouche. A ce stade, si vous vous apercevez que vous
ne vous êtes pas lavés les mains, ce n’est pas grave, vous pourrez le faire à
la fin. Faites ensuite frire les
beignets dans l’huile du poulet, égouttez puis versez-les dans un plat qui
traine au fond de votre évier depuis Noël. Si vos doigts sont devenus trop
gras, léchez-les puis disposez joliment à la main les calamars autour du
demi-poulet dans une assiette agrémentée de quelques feuilles de salade non
lavées. Comme c’est une recette berbère, vous pouvez disposer ça et là quelques
olives qui furent jadis vertes. La première étape est achevée, il ne vous reste
plus qu’à déguster !
Pour la
seconde étape, commencez par aller vous coucher. Une ou deux heures avant votre
réveil habituel, levez-vous en sursaut de votre lit et courrez aux toilettes
comme si une meute de hyènes boulimiques étaient après vous. Arrivé devant la
porte des sanitaires communs, actionnez la poignée, qui reste bloquée puisqu’un
des convives du dîner de la veille vous a devancé. Sautillez sur place en fredonnant
« allez, allez, allez ». Ne sautillez pas trop non plus. Une fois
l’espace libéré et le trône salvateur en ligne de mire, c’est l’heure du Grand
Choix. Asseyez-vous et vomissez sur vos genoux ou restez debout et...hum. Une
fois débarrassé de tout ce poids superflu que la société de consommation vous
impose, séchez la sueur qui perle dans votre dos, arrêtez de trembler et
retournez vous coucher. Répétez l’opération jusqu’à l’obtention d’un appareil
digestif bien vide : on doit pouvoir apercevoir vos pieds en regardant le
fond de votre gorge. Félicitations, vous avez réussi votre première gastro-entérite à la berbère ! Si
vous souhaitez partager cette recette avec vos amis, un petit bisou ou un
éternuement suffisent !
Pour
élaborer cette nouvelle chronique, j'ai bien sûr fait le test pour vous il y
a quelques jours, comme à chaque fois que je pars en voyage du reste. Le
plaisir est le même, seuls les ingrédients changent. L’avantage
au Maroc, c’est qu'on peut se procurer à la pharmacie toute sorte de choses
sans devoir passer par cet intermédiaire inutile que l’on appelle médecin. Alors
vive les olives avariées et l’auto-médication!