mercredi 21 février 2018

Le jour où j'ai fait le con.


Alors voilà, j’ai eu un accident de surf. Ou plutôt un accident en allant surfer. Et je me suis blessé assez sérieusement cette fois. Fracture des cervicales, tassements de vertèbres, quelques points de sutures sur le crâne et une vilaine cicatrice en forme de virgule Nike sur la nuque. J’espère qu’ils me fileront du pognon car je suis une publicité ambulante. Demain je passe sur le billard pour une opération simple où on va m’injecter du ciment dans la vertèbre, alors j’espère que je prendrai pas trop de poids (à cause du ciment hi  hi).

Je me suis fait un peu peur, pour de vrai. J’ai même cru l’espace d’un instant que la grande balade s’arrêtait là. Ca fait un peu bizarre de côtoyer même brièvement cette zone de la pensée. Pourtant je ne crois pas en ressentir un quelconque traumatisme et c’est tant mieux. Dès les premiers heures sur mon lit d’hôpital, j’ai eu envie de raconter ce qui s’est passé. Je sais pas trop pourquoi. Je crois que c’est une des choses les plus extraordinaires qui me soient arrivés émotionnellement parlant et j’ai eu envie d’en garder une trace. N’attendez pas trop d’humour, c’est pas le but ici. Et je garde ça pour le raconter sur scène.

 -------

Le spot s’appelle Dracula’s, à une heure de route au Nord d’Agadir, au Maroc. Les spots de surf tiennent souvent leur nom d’une proche localité géographique ou d’un élément de paysage. Parfois il y a même une petite histoire qui vient avec, comme c’est le cas ici. Dracula’s est plongé dans un sommeil profond à marée haute, la mer est plate et le surf impossible. Puis quand la marée descend, des roches pointues émergent de l’eau telles les dents du vampire qui vient de se réveiller et le fracas inquiétant des vagues se met alors en route. Ca vous donne un aperçu de l’hospitalité du lieu. Néanmoins, même si les bons jours la vague peut s’avérer puissante, voir de classe mondiale, il y a suffisamment de fond en cas de chute et il est même possible d’échapper à la série qui s’abat sur vous en la contournant par une zone calme au sud. En gros une fois à l’eau, c’est que du plaisir.

Le vrai problème de Dracula’s en vérité, c’est la mise à l’eau. C’est dangereux, réellement dangereux. J’apprendrai plus tard par une figure du surf local que les jours de grosse houle, les locaux se mettent à l’eau à Boilers, un spot situé 2 km plus au nord puis rament ou se laissent dériver jusqu’à Dracula’s. De même, ils font leur sortie encore plus loin au Sud cette fois, à Camel Point, et regagnent leur voiture après une marche de 45 minutes. Cela montre à la fois l’attrait que peut avoir cette vague mais aussi la crainte qu’inspirent l’entrée et la sortie de l’eau.

Voici ce que l’on voit quand on arrive sur place. Il n’y a pas de plage de sable, ni de cailloux ronds ou de dalle plate sur lesquels on peut progresser correctement avant de commencer à ramer. C’est un enchevêtrement chaotique de roches rugueuses, voir coupantes, certaines immergées d’autres non et d’étendues d’eau peu profondes et tapissées d’oursins indétectables. Des courants contraires se baladent au gré des obstacles, et à certains moments l’eau se retire pour faire apparaitre la roche nue, si bien que l’on peut penser être sorti de la zone dangereuse lorsque soudainement, on se retrouve au sec, posé sur la roche comme un coquillage, à la merci de la prochaine vague qui arrive. Car c’est bien là le risque, se retrouver au milieu de ce champ de mines lorsqu’un épais mur d’écumes arrive droit sur vous et qu’il est impossible de passer dessous par manque de fond. Quand ça arrive malgré tout, tu serres les dents et pries pour avoir une bonne mutuelle. Et cela arrive.

Malgré l’inhospitalité de l’endroit, je décide de me mettre à l’eau, passablement excité par les murs d’eau lisse que je vois déferler devant moi. Il y a très peu de monde à l’eau, ce qui est inespéré vu la qualité des vagues et ajoute à mon ébullition. Florent reste sur le bord, cool, j’aurai de belles photos. On va à la voiture récupérer ma planche et je fais alors une rencontre qui changera le cours de ma journée, de mes vacances et peut-être un peu aussi, de ma vie. Un marocain affable, la quarantaine souriante, se tient là sans que l’on sache trop pour quelle raison. Même en pleine nature dans ce qui n’a rien d’un parking, il y a toujours une sorte de gardien auto-proclamé censé veiller sur les voitures moyennant 5 ou 10 dirhams. Me voyant en combinaison, il décide de me prodiguer un conseil sur la mise à l’eau. C’est la spécialité du coin, donner des conseils. Manque de bol, c’est à ce jour et sans conteste le pire conseil que j’ai pu recevoir dans ma vie. Dans ma description du bord de mer, j’ai oublié de mentionner qu’une sorte de mini presqu’île de 10 mètres de long, 5 de large et d’un mètre de hauteur avance sur l’océan, un peu à la manière d’une jetée naturelle. L’homme me dit de monter dessus, de marcher jusqu’à son extrémité et hop, de sauter à l’eau pour être directement dans la zone d’eau profonde et éviter ainsi le champ de cailloux/oursins. Je n’y avais pas pensé mais l’idée me plait et je le remercie du « tuyau ».

J’attrape ma planche sous le bras, descend sur la rive et commence à marcher sur les premiers rochers qui s’avancent vers la mer. Pour accéder à la presqu’île, il y a un chenal naturel d’un mètre de large, je le traverse en me laissant flotter à plat dos pour éviter les oursins, tout en essayant de retenir ma planche qui part avec le courant. Flo me suit des yeux, ça me rassure mais putain que je déteste cette mise à l’eau. Je me hisse sur le rocher final. Il parait plat mais en réalité il est impossible de poser un pied stable, c’est une succession de crêtes acérées et de trous remplis d’eau qui m’obligent à faire le funambule, tout en essayant de retenir ma planche qui prend le vent et menace de me faire tomber. Poser une main pour avoir un troisième appui n’est pas non plus une option car la roche est trop rugueuse. J’arrive près de la supposée zone de mise à l’eau. Les vagues viennent se briser sur la base de la presqu’île, créant une gerbe d’eau qui la recouvre en partie. Ici se situe le dilemme. Il me faut attendre une accalmie pour sauter, sinon je me fais projeter contre la roche par la vague entrante et c’est la catastrophe. Mais je ne peux pas non plus patienter trop loin de la zone d’impact qui est aussi la zone de mise à l’eau, sinon le temps d’y accéder et l’accalmie a pris fin. Je reste donc assis sur place à attendre le moment opportun, essuyant les paquets d’eau qui me recouvrent à moitié et manquent d’emporter ma planche. Derrière mon dos se situe une saignée dans la presqu’île, parallèle au rivage et qui laisse entrer un étroit bras de mer, un mètre en contrebas. Il doit y avoir 80 centimètres de fond. Il me devient de plus en plus difficile de garder ma position et je commence à avoir peur, tous mes sens me disent que je dois quitter cet endroit. Je décide de m’écarter pour réfléchir à une meilleure tactique. Ok après cette vague je bouge. Je n’en aurai pas l’occasion. Une énième vague vient buter contre la roche et tout ce que je sais, c’est que l’instant d’après je suis dans l’air, éjecté comme un bouchon de champagne sans avoir pu opposer la moindre résistance. Aveuglé par l’écume, je me sens tomber à la renverse, la tête en bas et les jambes au zénith. J’atterris dans l’eau et l’arrière de mon crâne vient heurter un rocher dans un bruit sourd, le menton contre mon torse et tout mon corps en flexion, comme un fœtus.

J’ouvre les yeux.

Je suis sous l’eau, le souffle coupé, les jambes et les bras écartés en direction de la surface dans une sensation d’apesanteur. Je vois distinctement l’eau verte et limpide éclairée par les rayons du soleil qui prennent forme au contact des particules en suspension et plongent vers moi. Je ne bouge pas mais je n’ai pas vraiment l’impression d’essayer. L’expression « le temps suspend son vol» prend alors tout son sens. Avant de faire quoi que ce soit, mon corps semble traiter l’avalanche d’informations qu’il vient d’acquérir ces 3 trois dernières secondes, mélange d’images de la vague, de la chute, du bruit de mon crâne et des diverses sensations de douleurs qui commencent à affluer.
La combinaison me fait remonter à la surface. N’ayant toujours pas bougé, j’ignore si je suis paralysé mais comme ma bouche remonte en premier, je prends une grande inspiration car je redoute de pivoter dans l’eau et de ne pas pouvoir me retourner pour respirer avant que Flo ne vienne à mon secours. Heureusement, mes mains se remettent à bouger rapidement, puis mes pieds, et de proche en proche j’arrive à actionner le reste de mon corps.

Je suis à quelques mètres de la rive et une vaguelette m’aide à m’en rapprocher. J’ignore dans quel état physique je suis. Je sens que je viens de subir un choc violent mais je suis aussi tout à fait conscient. J’arrive à bouger mes membres mais beaucoup plus difficilement que d’habitude. Suis-je en train de devenir paralysé ou au contraire les choses s’améliorent-elles ? J’ai des étourdissements et l’espace de quelques secondes, je me dis que c’est certainement la fin. La seule pensée qui me vient est pour ma famille. Je me sens profondément triste de les quitter sans pouvoir les prévenir. Comme si mourir ça va, mais faut prévenir avant.

Flo se précipite vers moi : « ça va ??? » J’ai peine à parler mais ma réponse est aussi directe que honnête « Non ». Je me mets difficilement debout, sans oublier de regarder s’il y a des oursins. J’aime vraiment pas les oursins. Je me livre à un rapide auto-scan de mes sensations physiques. Je ressens des douleurs à l’arrière du crâne, aux bras et à l’intégralité du dos. J’ai beaucoup de mal à respirer et mes abdos se contractent tout seul, sans que je puisse y faire quoi que ce soit. Et je crois sentir un filet de sang dans ma nuque. J’enlève le haut de ma combinaison pour ne pas que les secours la découpent plus tard. C’est tout ce qu’il ne faut pas faire après un choc à la colonne vertébrale mais il semble que je sois plus radin que prudent.

Il ne fait pas de doute que tout cela va finir à l’hôpital, à 45 minutes de route. Je ne sais pas si j’ai le temps d’attendre une ambulance alors on décide de prendre notre voiture. Le type qui nous a filé le « tuyau » sur la mise à l’eau est toujours sur le parking. Au moment de réclamer ses 10 dirhams, il me regarde… et s’abstient.

Sur le trajet, on est tous les deux flippés alors on joue au jeu de celui qui le montre le moins à l’autre. Je respire toujours comme une femme sur le point d’accoucher, bruyamment et avec la bouche ouverte. Mes abdos ne cessent de se contracter tout seuls, je suis en train d’exploser mon record de gainage. Comme ma tête a tapé assez fort le fond, nous sommes surtout inquiets pour une éventuelle hémorragie. On a de vagues notions des symptômes qui apparaissent dans ce genre de trauma, alors on se rassure mutuellement. « Tu sens des picotements dans les membres ? Non je crois pas. J’ai pas de nausées non plus. Par contre j’ai mes paupières qui tremblent et j’ai envie de dormir. Dors pas, reste éveillé. Ok parles moi alors. » Il ne trouve pas vraiment de sujet de conversation alors je propose « Vous vous êtes rencontrés comment avec ta copine ? » Il se lance dans l’explication et je me souviens d’une vague histoire de Tinder qui a finalement profité à son pote mais la nouvelle copine de celui-ci a ensuite présenté sa copine actuelle à Flo. Un truc plutôt mignon mais que je n'arrive pas à apprécier pleinement. Ca me permet au moins de penser à autre chose car je suis vraiment inquiet pour ma respiration et j’ai l’impression que mes abdos vont exploser. Je me sens faiblir et l’envie de dormir s’accentue.

On arrive vers Agadir, on décide de s’arrêter dans une pharmacie pour demander s’il vaut mieux attendre une ambulance. On nous répond qu’on est presque arrivé, autant y aller nous-même. Comme on ne connait pas l’adresse, on s’arrête auprès d’un taxi et on lui demande de nous y conduire. Il dit oui mais au lieu de se mettre au volant et de nous ouvrir la route, il se met à héler d’autres taxis pour faire le boulot à sa place. Je me sens totalement impuissant mais Flo est là pour insister. Le type finit par accepter mais avant de montrer dans sa voiture, il nous lance un « 50 Dirhams ok ?». J’éprouve une intense montée de haine, teintée d’une colère impuissante. Je suis en train de crever fils de pute, comment peux-tu… On démarre.

Quelques minutes plus tard, on est garés devant la clinique Al Massira d’Agadir. Flo s’éjecte et pénètre dans le bâtiment. Il revient et le chauffeur de taxi le harcèle pour payer.
La tension montre entre les deux. Je lui intime un peu violemment de le payer, le type me stresse et j’ai envie que ça s’arrête. J’avais rêvé pendant tout le trajet de cet instant où je serais enfin pris en charge par des professionnels qui me rassureraient et pourraient faire le nécessaire si mon état se dégradait brusquement. C’était comme atteindre une oasis après une longue et stressante traversée du désert, pour donner dans la métaphore locale. C’est le contraire qui a lieu. Mon stress monte en flèche dès les premiers contacts avec les soignants de la clinique et j’ai l’impression de me retrouver dans une comédie française des années 70 avec Pierre Richard et Louis de Funès qui jouent tous les rôles des médecins et infirmières.

Quelques longues minutes après le retour de Flo, un grand type habillé comme un vigile securitas arrive muni d’un fauteuil roulant. Il le pose à côté de ma portière et attend sans dire un mot. J’ai décidé qu’il ne me fallait plus bouger par moi-même tant que j’ignore ce qu’il m’arrive et de toute façon la douleur, maintenant que mon corps s’est refroidi, m’empêche de bouger. Ma respiration de cheval et ma face livide ne semblent pas émouvoir le grand homme qui reste immobile. Tout cela ajoute à ma confusion et je hurle : « Docteur ! Docteur ! appelle un docteur ! ». Il s’exécute. Un grand homme longiligne en blouse blanche débarque avec une extrême nonchalance. Je lui donne entre 75 et 80 ans, sans exagération. En vérité je sais pas s’il est nonchalant ou somnambule. Il « tangue » sur ses jambes de gauche à droite et lui non plus ne semble pas du tout pressé de savoir pourquoi je respire aussi fort et ne bouge pas d’un centimètre. Je prends les devants et lui explique l’accident. Il me fait sérer son poignet, j’y parviens, bouger les pieds, j’y arrive aussi. Il faudra faire un scanner de la colonne, me dit-il. Avec grand plaisir. Mais maintenant on fait quoi ? Il n’y a toujours pas la moindre proposition de qui que ce soit. Je suis anxieux parce que je me sens de plus en plus faible mais je reste mal à l’aise à l’idée de crier sur un médecin qui, je le crois encore à cet instant, sait ce qu’il fait. Après un long flottement et l’appui de Flo, on finit par leur faire comprendre qu’on a besoin d’aide pour me mettre dans le fauteuil. Un autre homme arrive et on m’extrait de la voiture. Cela doit faire 10 minutes qu’on est arrivés sur place.

Je suis amené dans une salle qui donne sur le hall d’accueil. Deux infirmières se trouvent là et le médecin me dit qu’il a appelé le neuro-chirurgien. « Il sera là dans 30 minutes ». Je suis abasourdi car je me sens de plus en plus faible et je ne sais toujours pas si cela saigne dans mon crâne. « Mais est-ce que moi je serai là dans 30 minutes ??? » Il ne dit rien.  Les infirmières me font une perfusion de doliprane puis s’en vont. Pendant quelques minutes, je suis seul sur mon fauteuil, au beau milieu de la pièce, dos à la réception de telle sorte que je ne peux pas voir ce qui s’y passe. Parfois elles reviennent. L’une d’entre elle se met à bouger le fauteuil. Mes pieds raclent le sol car je ne peux pas lever les jambes tout seul. Une vive douleur se propage à tout mon corps. Je crie « non non non  arrêtez !!». Elles commencent à s’engueuler entre elles, je n’y comprends rien. Je sens l’agressivité monter en moi mais j’essaye de me calmer « il faut que vous mettiez mes jambes sur les repose-pieds si vous voulez me déplacer, dis-je haletant et aussi calmement que possible». C’est ce qu’elles font puis elles me déplacent de 50 centimètres, sans aucune raison. Je commence à avoir envie de vomir ou du moins je crois en avoir envie, j’ai du mal à faire confiance à mes sensations. Il y a désormais 4 ou 5 personnes autour de moi qui s’emblent s’invectiver en arabe mais personne ne me parle. Ma vision commence à se brouiller, j’ai froid et je me sens très faible. Mes abdos ne se sont pas relâchés depuis maintenant une heure. On prend ma tension. Flo passe la tête par la porte. C’est la seule personne en qui j’ai confiance à cet instant. Je lui dis d’un ton calme et en cachant ma panique, pour qu’il ait l’information : « Je vais m’évanouir dans quelques secondes. ». Au même moment et dans une synchronisation parfaite, le neurochirurgien entre dans la salle alors que l’infirmière donne le résultat de ma tension : 7,5. « D’habitude je suis à 12, leur dis-je ». Je regarde le médecin, une sorte de George Clooney marocain période Urgences qui dégage une certaine assurance. A l’annonce de ce « 7,5 », tout s’accélère subitement. Clonney dit « on l’amène en réa » et tout le monde s’agite. On me soulève de mon fauteuil et m’installe sur un lit. Mes abdos se relâchent enfin. Je suis très vite transporté au service de réanimation. Tout cette agitation a pour effet d’augmenter mon inquiétude et j’envisage à nouveau, pendant un court instant, le pire. L’apparente sérénité du médecin et de l’équipe qui m’accueille fait retomber la pression et la position allongée me fait regagner quelques forces. Paradoxalement, c’est au moment où je sens que je ne vais plus m’évanouir et que je suis tiré d’affaire que l’émotion se fait la plus forte. Je décompresse et le stress qui jusqu’ici me maintenait dans une sorte de tension vitale s’efface en ouvrant la vanne des émotions. En quelque sorte, je réalise. Je repense à la chute et je me répète « j’ai déconné putain, j’ai déconné ». Les larmes me montent aux yeux mais je ne vais quand même pas chialer devant George Clooney alors on en reste là.

On me tourne sur le flanc pour examiner mon crâne. Une discussion assez technique débute entre le neuro-chirurgien et l’infirmière qui se tiennent dans mon dos. J’écoute distraitement. Il y est question d’un tuyau. Le médecin dit :
-       - Il fait un mètre, c’est curieux.
-       - Ah oui il est un peu long.
-       - D’habitude c’est du 75 cm.
-       - C’est vrai oui.

L’échange qui me parait anodin s’arrête là. L’infirmière fait le tour de mon lit jusqu’à me faire face, de mon côté. Elle soulève le drap et sans aucune sommation, saisit mon sexe. Après tout ce qu’il vient de se passer, Je ne ressens pas la moindre gêne et je m’en fais même la réflexion. Je fais soudainement le lien avec la discussion sur le tuyau. Je n’ai pas le temps d’ouvrir la bouche que « aaaarrrrrgggggghhhhhhhhhhh !!   mais vous faites quoi ??!!» Elle vient d’enfoncer l’extrémité du tuyau dans mon urètre. C’est extrêmement désagréable. Mais pas encore réellement douloureux.
-       - Ca fait un peu mal, me dit-elle avant de se remettre à la tâche.
-       - Non mais…. Arrggggggghhhhh !!!
Impossible de contrôler le volume de ma voix, je suis en train de crier, littéralement. Par de grands gestes amples que j’aperçois du coin de l’œil, elle continue d'enfoncer le tuyau. Ca fait de plus en plus mal. Je serre les dents mais elle ne semble pas vouloir s’arrêter. Je me rappelle alors de la discussion sur les 1 mètre qui auraient du être 75 centimètres. La douleur devient insupportable. Je m’aperçois qu’elle n’arrive pas à ses fins, j’ai donc le droit à un nombre bonus de tentatives.  Au bout d’un moment elle semble se décourager et je saute sur l’occasion pour dire « Arrêtez ! je peux faire pipi tout seul ! je vous jure, je vais plus m’évanouir, vraiment, arrêtez ! » Je suis en nage.
L’opération est annulée. Je me dis que c’était ça, la véritable épreuve de la journée.

La suite de mon séjour à l’hôpital comportera son lot d’incongruités qui ne valent pas vraiment la peine d’être racontées ici. Le neuro-chirurgien me fera quelques points de suture sur le crâne, puis m’enverra faire un scanner des cervicales qui révèlera deux fractures. Je lui ferai part de ma douleur au dos qu’il m’assurera être normale. J’irai moi-même quelques jours plus tard passer un scanner du dos qui fera apparaitre deux tassements de vertèbres pour lesquels je serai opéré une fois en France. Merci George Clooney.

Quand je repense aux émotions vécues lors de cette journée, je m’aperçois qu’au-delà de la peur et du choc, je me suis senti très honteux dans les premiers instants qui ont suivi l'accident. Honteux d’avoir pris de tels risques pour satisfaire mon égo. Pour marcher dans la rue en me disant « vous pensez ce que vous voulez de moi mais j’ai surfé Dracula’s par deux mètres off shore » Certes je me serais sans doute régalé une fois à l’eau mais j’aurais aussi pu laisser ma peau sur ce rocher. La morale de cette histoire c’est que parfois l’égo ça aide à avancer, mais parfois l’égo, c’est de la merde.

Bisous. Et du fin fond de mon cœur, merci à tous ceux qui m’ont envoyé leurs bonnes ondes, ça m’a fait tout chaud à l’âme.



Erection matinale


Petits yeux grosse fatigue

Dracula's et la presqu'île 

Quand on était contents

Juste avant d'être moins content

Ca se voit pas mais hyper content de rejouer!




mercredi 4 mars 2015

La faune et la flore

La saint Valentin, c’est le contraire du père Noël, on aimerait que ça n’existe pas mais il y en a toujours une pour vous rappeler que ça existe. C’est pourquoi le 14 février dernier, afin d’éviter qu’une inconnue se déclare être ma conjointe à la dernière minute pour profiter d’une formule dîner spectacle gratuite, j’ai décidé de m’envoler au Maroc. Radical mais efficace. Pour ce faire, j’ai pris un avion muni de 2 ailes et de 5 heures de retard.  Marocains et français ont parfois des divergences mais quand il s’agit de leur vol retardé, ils se donnent la main pour pouvoir gueuler ensemble sur l’hôtesse de l’air, qui fait tout pour les embêter. La pauvre m’a fait beaucoup de peine, alors quand elle s’est penchée sur mon siège, au bord de la crise de nerf, pour me demander si je souhaitais un verre d’eau exceptionnellement offert par la  compagnie low cost en guise de dédommagement, je lui ai adressé un sourire compatissant et dit « non merci ». C’est con, j’avais soif. Cette tension ambiante était fort inutile puisque le pilote nous avait patiemment expliqué le pourquoi du comment c’était pas sa faute si on aurait eu plus vite fait d’aller au Maroc en optimist qu’avec lui. Apparemment, l’avion prévu pour le vol n’avait pas pu décoller d’Agadir parce qu’il était un peu cassé, alors ils avaient dû en trouver vite vite un autre. Mais à la compagnie onestnichernialheure Airlines, ils ont pas non plus tout plein d’avions. Alors ils ont cherché partout mais pas moyen de dénicher le moindre avion, ou un ULM, pas même un deltaplane, rien. Alors là, le directeur a proposé d’affréter un bateau mais le stagiaire qui venait re-remplir le café pour tout le monde et dont la belle-sœur est originaire de Cahors a dit «je crois qu’il y a pas la mer à Toulouse monsieur ». Stupeur dans l’assemblée, coups de téléphones en catastrophe, dépassements de forfait et au final, location à une compagnie portugaise d’un avion qui n’avait pourtant pas de poil sous les ailes. Moi j’ai trouvé très intéressant ce long exposé plein de pédagogie que le pilote nous a susurré d’une voix calme et chaude parce que sans ça, j’aurais pu penser qu’ils avaient 5 heures de retard juste pour le plaisir de bien nous faire chier. En fait non, ils avaient pas fait exprès.
On a fini par décoller pour un vol tranquille où on a longé la chaîne enneigée de l’Atlas jusqu’à Agadir. A la douane, j’avais précautionneusement ouvert mon passeport à la page ou je voulais le tampon parce que j’aime bien qu’ils soient tous les uns à la suite des autres, c’est mon côté hôpital psychiatrique.  Le douanier m’a regardé, a tourné 3 pages, et a mis son gros tampon là, en plein milieu. Ce n’était que le début d’une longue série d’illogismes que seul ce beau pays peut offrir. Ensuite j’ai pris un taxi, conduit par un octogénaire malvoyant dont la Mercedes était plus vieille que lui et qui roulait exactement au milieu de la route pour sans doute vérifier si le marquage au sol était en bon état. Pourquoi pas. Mais quand un autre usager avait le malheur de le doubler, il se mettait à klaxonner et le poursuivait pendant quelques secondes, émettant bruyamment des hypothèses sur la profession libérale de sa mère, de sa sœur et de toutes les femmes de son entourage. On a fini par arriver à Taghazout en vie, lieu de pèlerinage de centaines de surfers européens en hiver, venus chercher vagues et températures clémentes. A peine sorti du taxi, mon tout premier contact avec les commerçants de Taghazout fût celui-ci :

         - Salam mon ami, t’y veux une écharpe ? On a di echarppes.
            -  Non merci !
            - T’y veux un bonnet ? On a di bonnets
        -  Non ça va, merci.
            - T’y veux un Tapis ? On a di tapis.
            - Non non !
            - T’y veux di épices ? On a di épices.
            - Non vraiment, j’ai besoin de RIEN.
        Ah mais on a rien aussi !

Maintenant, décrivons un peu ce nouveau pays si vous le voulez bien. Merci, vous êtes bien aimables.

Chapitre faune :

Au Maroc on trouve un peu partout des chameaux et des dromadaires, qui possèdent un nombre aléatoire de bosses dans lesquelles ils stockent des bouteilles de Volvic. Il n’est pas évident de distinguer l’un de l’autre. Heureusement l’éducation nationale française nous a appris la technique du nombre de syllabes, avant d’essayer de nous convaincre que l’on peut prénommer son enfant Ornicar sans avoir à en rougir. Le chameau possède deux bosses car son nom est constitué de deux syllabes. Pour les mêmes raisons, le dromadaire en possède quatre, l’une d’entre elle étant nettement plus grosse que les trois autres. Parfois des mutations génétiques regrettables donnent lieu à des chameaux dépourvus de toute bosse. On les appelle alors cheval. Ou chevaux si il y en a plusieurs. Plusieurs bêtes, pas plusieurs bosses, on est bien d’accord qu’ils n’ont pas de bosses.
Si vous ne savez pas compter les syllabes, le contraire m’aurait étonné, il existe une solution  plus directe qui consiste à aborder un autochtone, montrer du doigt le camélidé et demander « c’est  un chameau ça ? ». S’il répond « oui, c’est un chameau », c’est qu’il s’agit d’un chameau. A contrario, s’il répond « non, c’est une mouette » c’est qu’il vous faut penser à faire vérifier la rectitude de votre index auprès d’un professionnel de santé. 
Mais regardons la vérité de biais si vous souffrez de strabisme ou en face pour les autres : la faune est nettement moins variée ici qu’en Amérique du Sud. Seul point commun, on trouve des chiens errants partout partout partout. Certains d’entre eux ont une étiquette rose poinçonnée à l’oreille, montrant qu’ils ont été castrés et vaccinés contre la rage. Est-il plus effrayant de caresser un chien enragé ou un chien eunuque à boucle d’oreille, chacun se fera son opinion. Ce qui est certain, c’est qu’ils partagent les rues avec de très nombreux chats, espèce qui ne l’oublions pas, arrive en tête du très prestigieux classement Forbes des 500 animaux les plus  cons du monde. Pourtant, l’espèce humaine, elle aussi en bonne place dans ce classement, aime à caresser le pelage saturé de parasites du mignon petit chaton hideux. En conséquence, grâce à la récente abolition du lavage de mains décrétée dans tout le pays, il est plus que probable de finir par attraper cette fidèle amie que le voyageur a appris à tutoyer au fil des mois : La gastro-tourista-vomi-caca-dodo-pendant-24h. Voir suite.

Chapitre flore (intestinale) :

Surfant sur l’intérêt grandissant des français pour les cuisines exotiques, je vous propose une nouvelle chronique dans ce blog, la recette du vagabond. Cette semaine, découvrons ensemble la gastro-entérite à la berbère.

Difficulté : très facile
Prix : tous budgets
Temps de préparation : 8 à 12 heures
Temps de dégustation : 1 à 2 jours

Ingrédients pour plusieurs personnes (préférez des produits issus de l’agriculture biologique) :

-     1 estomac entier
-     Quelques mètres d’intestin grêle que vous pourrez enrouler si manque de place
-     Un gros intestin
-     1 œsophage et 1 anus fonctionnels
-     Un demi-poulet label rouge
-     Environ 300 grammes de beignets de calamars
-     Quelques olives vertes

Préparation :
Faîtes revenir le demi-poulet dans l’huile tiède de votre friteuse jusqu’à ce qu’il soit bien rose à l’intérieur. Laissez reposer 48 à 72 heures à l’abri du froid. Appelez votre chat, qui ne viendra pas par pour les raisons que l’on sait, puis cherchez-le et caressez-le abondamment. Pendant que le poulet repose, munissez-vous des calamars achetés le mois précédent, coupez-les en rondelles avec votre main gauche et agitez votre main droite horizontalement avec entrain. Répétez l’opération jusqu’à disparition de la dernière mouche.  A ce stade, si vous vous apercevez que vous ne vous êtes pas lavés les mains, ce n’est pas grave, vous pourrez le faire à la fin.  Faites ensuite frire les beignets dans l’huile du poulet, égouttez puis versez-les dans un plat qui traine au fond de votre évier depuis Noël. Si vos doigts sont devenus trop gras, léchez-les puis disposez joliment à la main les calamars autour du demi-poulet dans une assiette agrémentée de quelques feuilles de salade non lavées. Comme c’est une recette berbère, vous pouvez disposer ça et là quelques olives qui furent jadis vertes. La première étape est achevée, il ne vous reste plus qu’à déguster !

Pour la seconde étape, commencez par aller vous coucher. Une ou deux heures avant votre réveil habituel, levez-vous en sursaut de votre lit et courrez aux toilettes comme si une meute de hyènes boulimiques étaient après vous. Arrivé devant la porte des sanitaires communs, actionnez la poignée, qui reste bloquée puisqu’un des convives du dîner de la veille vous a devancé.  Sautillez sur place en fredonnant « allez, allez, allez ». Ne sautillez pas trop non plus. Une fois l’espace libéré et le trône salvateur en ligne de mire, c’est l’heure du Grand Choix. Asseyez-vous et vomissez sur vos genoux ou restez debout et...hum. Une fois débarrassé de tout ce poids superflu que la société de consommation vous impose, séchez la sueur qui perle dans votre dos, arrêtez de trembler et retournez vous coucher. Répétez l’opération jusqu’à l’obtention d’un appareil digestif bien vide : on doit pouvoir apercevoir vos pieds en regardant le fond de votre gorge. Félicitations, vous avez réussi votre première gastro-entérite à la berbère ! Si vous souhaitez partager cette recette avec vos amis, un petit bisou ou un éternuement suffisent !
                 
Pour élaborer cette nouvelle chronique, j'ai bien sûr fait le test pour vous il y a quelques jours, comme à chaque fois que je pars en voyage du reste. Le plaisir est le même, seuls les ingrédients changent. L’avantage au Maroc, c’est qu'on peut se procurer à la pharmacie toute sorte de choses sans devoir passer par cet intermédiaire inutile que l’on appelle médecin. Alors vive les olives avariées et l’auto-médication!
















Entracte

Je pensais partir entre trois et six mois, j’ai fait durer le plaisir une petite année. 

C’est passé vite mais le savais dès mon départ alors j’ai enregistré quelques images et sensations marquantes dans un coin de ma tête que je protège férocement d’Alzheimer. Ecrire ce blog m’a aussi permis de garder une trace de ce voyage qui me semble parfois n’avoir jamais eu lieu. Il m’a tenu compagnie dans les moments de solitude et m’a conforté dans l’idée que j’aime arranger les mots de telle sorte à faire sourire les gens. On se sent un peu différent quand on a passé tant de temps à se promener d’un pays à l’autre, gouverné par ses seules envies du moment. Tellement de paysages inhabituels, de gens particuliers, de situations intenses ou grotesques et tellement de vagues bien sûr. Vous vous en foutez vous de ces vagues, et pourtant, si vous saviez ! Parce que ce n’est pas qu’une histoire de glissade mes amis ! C’est aussi des journées à faire le bouchon dans l’eau en regardant planer les pélicans qui suivent la houle les uns derrière les autres en frôlant la surface. C’est des heures et des heures au coucher du soleil lorsque le vent se calme, que la horde rentre chez elle et ne restent là que quelques silhouettes sombres désormais muettes pour profiter des teintes qui changent à chaque minute, du calme qui s’installe, et de ces masses lisses qui avancent sans bruit. C’est aussi parfois des trombes d’eau démesurées qui tombent d’un ciel dont on jure qu’il était bleu la dernière fois qu’on a levé la tête, trombes d’eau aussi tièdes que la mer qu’elles remplissent avec tellement d’ardeur que les gouttes semblent autant venir d’en bas que d’en haut. Dans cette grande piscine blanchie par les impacts, il n’y a plus alors que des gamins espérant que ça va continuer encore un peu. C’est aussi des moments où on a peur, une peur que l’on fuie en temps normal mais que l’on recherche presque ici , puis en une seconde le plaisir prend la place sur tout le reste et alors on file, on file… Parfois on passe un peu de temps sous l’eau, parce qu’il faut bien saluer les poissons, on est chez eux quand même. C’est un ensemble de plein de choses qui pourraient vous donner l’envie d’y goûter et d’aimer ça. Mais n’en faîtes rien ! D’abord parce qu’on est complet désolé et puis parce que c’est aussi malheureusement un concentré de mâles débiles très prompts à aller taper sur leur prochain pour une vague gâchée, une priorité volée, un minuscule bout de territoire qui donne à l’homme l’opportunité d’être encore plus con, domaine dans lequel Dieu a déjà eu la main leste.

On se sent différent, ou peut-être que l’on a envie de se sentir différent après un long voyage, de se dire qu’on ne peut quand même pas rentrer en étant le même, qu’il y avait un sens un peu plus profond. Ca doit dépendre de chacun sans doute mais il est sûr que les centaines de conversations, de quelques secondes ou plusieurs heures, que j’ai pues avoir avec d’illustres inconnus aux parcours différents ont à chaque fois éveillé ma curiosité, muri ma pensée et façonné un imaginaire qui devrait me servir dans ma nouvelle voie. Après avoir répondu un nombre incalculable de fois aux traditionnels comment tu t’appelles, d’où tu viens, où tu vas, qu’est-ce que tu fais dans la vie, quel âge as-tu, depuis quand et pour encore combien de temps voyages tu, j’aurais pu me lasser néanmoins. Heureusement dans le lot, il y eut de belles rencontres ou des rencontres simplement atypiques, comme on peut en faire à tout moment dans la  vie mais en l’occurrence dans des lieux uniques, inhabituels, avec le temps devant nous pour juste profiter de la présence de l’autre. L’une de ces rencontres m’aura mené à passer cinq mois à New York après l’Amérique latine, non plus comme touriste mais comme travailleur illégal. Autre ambiance, au revoir les plages et le quotidien simple, bonjour la ville monde, l’effusion de possibilités, le bitume, l’eau et la nature en quelques stations de métro. Ville de show par excellence, de très nombreux comédiens ou humoristes tentent de percer dans le milieu et se produisent dans des multiples café-théâtre plus ou moins renommés. Je me suis joints à eux en écrivant pour l’occasion un sketch de 5 minutes en anglais que j’ai joué à trois reprises. Très bonne expérience, gros stress au départ et un accueil plutôt chaleureux à l’arrivée. Seul bémol, je n’ai pas pu être filmé et pourtant c’est un souvenir que j’aurais vraiment aimé ramener à la maison.

Un matin, après 10 mois passés hors du mode de vie que j’avais connu pendant 29 ans, il a fallu rentrer. Il faut bien l’avouer, je n’en avais pas la moindre envie. Rester en mouvement en se laissant porter par ses humeurs, quand on a la chance de pouvoir le faire, crée un sentiment comparable à de l’addiction. Il fallait peut-être y mettre un terme. Ou peut-être pas. En tout cas Noël est arrivé et m’a permis de revoir ma famille avec grand plaisir et mes amis avec grand plaisir et grandes bières. A tous ces gens qui me sont proches, je tiens à m’excuser pour mon caractère et mon moral en berne pendant cette période. J’ai dû composer avec certains évènements qui sont maintenant derrière moi et j’espère bien me rattraper à mon retour. Ah oui, parce que je suis reparti au fait ! Il faisait trop froid en France et ma boulangère faisait trop la gueule. Mais je suis pas reparti trop loin, au Maroc ça s’appelle, j’y surfe et quand il n’y a pas de vagues, j’écris quelques bêtises dans ma machine à écrire. Avec un peu de chance, je ferai ça pour la prochaine décennie.

Le lama mouillé.




P.S : Maman, Papa, ne vous faîtes pas de souci pour mon futur, je suis tombé par hasard sur une photo de moi dans 10 ans et apparemment tout va bien.

 Union square, New York




mercredi 19 novembre 2014

New York - Jakarta - New York

Bonjour,

je reçois beaucoup de courrier de lecteurs dont celui de Nadine, originaire du Morbihan, qui me demande pourquoi je n'écris plus trop sur mon blog, ce qui la plonge je cite, "dans une déprime abyssale dont je n'arrive à m'extraire qu'en prenant quotidiennement une cuite au cidre doux". Alors Nadine, je vais vous répondre avant que votre appartement ne subisse un dégât des eaux à l'urine, même si je vous ai crée de toute pièce afin de donner une impression d'interaction à ce blog. A mon arrivée aux Etats-Unis, grâce à un CV à rallonge, mes nombreux diplômes et mon expérience à l'international, les grandes entreprises américaines ont voulu s'attacher mes services. Google, Goldman Sachs, La maison blanche, tous y sont allés de leur proposition alléchante mais "Ceci-Cela", une pâtisserie française du quartier de Nolita a su trouver les mots justes avec son " on paye au black et vous pouvez ramener les invendus à la maison". Ainsi, pour que New York demeure la ville qui ne dort jamais, j'ai vendu chaque jour des cafés dans des grands gobelets que l'on appelle ailleurs dans le monde des petits sceaux. Une certaine routine s'est installée, avec moins de voyage et donc moins de blog. Voilà Nadine, Kenavo.

Et puis un jour, l'appel de l'océan a été plus fort, comme dit Patrick Swaze dans Point Break. Alors j'ai acheté un billet d'avion pour l'Indonésie, où les copains de France se rendaient aussi. Vingt sept heures de voyage, une escale à Tokyo et le visionnage de Spiderman 1 à 12 plus tard, tout le monde descend. Sur place je retrouve la joyeuse bande. Pour plus de clarté dans le récit, nous les appellerons Mathieu, Nicolas, Raphaël et Vincent. Par un heureux hasard c'est aussi leur prénom et celui des 4 tortues ninjas, à trois exception près. Après une nuit à Jakarta en compagnie de Nicolas (déjà en vadrouille sur place), nous recueillons les autres dans un piteux état, n'ayant pas dormi depuis deux jours. Heureusement, ils auront le temps de se reposer pendant les six heures de taxi qui nous amènent à l'océan, 250 kilomètres plus loin. Six heures pour 250 kilomètres, cela peut paraître beaucoup quand on n'habite pas à Paris mais il se trouve que la politique sur les infrastructures routières et le code de la route en Indonésie ont été écris par deux copains un lendemain de cuite et ça se ressent. En mathématiciens rigoureux, ils ont imaginé des routes de la largeur exacte d'une voiture et demi, laissant au pilote qui sommeille en nous le plaisir de s'exprimer lors de chaque dépassement. L'immense majorité des 100 millions d'habitant de cette île quatre fois moins grande que la France possède un scooter, ce qui donne sur les routes principales une impression de vaste bordel bruyant et pollué. En Indonésie on roule à gauche en théorie. En pratique, on roule à gauche mais aussi à droite, au milieu, sur le bas-côté, dans le fossé ou directement sur quelqu'un d'autre (2 accidents sous nos yeux en quinze jours). On a tout de même fini par arriver à Cimaja, village de surf étalé le long d'une route très bruyante. On décide d'y passer quelques jours pour récupérer et surfer une jolie vague un peu peuplé mais pas trop. Le lendemain, malgré la fatigue, certains d'entre nous sont réveillés à 4h par les gémissements continus d'un homme qui semble s'être pris un ballon de foot dans le bas ventre. On songe à lui venir en aide mais on nous fait savoir qu'il s'agit en réalité de l'imam du village qui fait son appel à la prière.  Difficile de se rendormir tant on est séduit par le chant amplifiée de celui que l'on appellera plus tard DJ Abdullah. On se doutait déjà que Dieu était grand mais on venait d'apprendre qu'il était aussi un peu sourd. Inutile de lutter, je pars à l'eau alors qu'il fait à peine jour en empruntant un étroit chemin de terre et fais ma première rencontre avec un local. En plein milieu, barrant la route, se trouve un dragon de Komodo tout à fait hideux et terrifiant. En le voyant, j'ai un peu peur et m'apprête à faire demi-tour mais il s'enfuit en premier, ce qui me laisse penser qu'il a eu la même impression à mon sujet. C'est vexant.
Finalement, on se retrouve tous à l'eau, il fait beau, il fait chaud, il y a des vagues et les copains, on est bien.



Aéroport de Tokyo -  oui, ça n'a rien à voir

Aéroport de Tokyo: les fameuses douches/toilettes/bidets/on-s'en-fout-on-est-japonais

Deux jours plus tard, départ pour Sawarna, village bien plus charmant, où nous resterons jusqu'à la fin du séjour. Le spot est beau, la vague déroule sur 200 mètres et on se retrouve à l'eau avec 8 français, un belge et des tortues de mer. Pour trouver un logement, on est face au dilemme proximité du spot / éloignement avec la mosquée qui nous amène à trouver l'endroit parfait, "chez Andri", l'homme le plus souriant du monde. Les habitants sont d'une extrême gentillesse, on nous prend en photo, nous salue "Hello Mister!" dix fois par jour et des collégiens nous interviewent fréquemment avec leur portable. Pourquoi? Je sais pas.  A l'eau, c'est un peu surréaliste de se retrouver qu'entre francophones et très vite on lie amitié. Jusqu'à présent, nous avions peu évoqué la psychose islamiste qui aurait pu être un problème dans le premier pays musulman du monde mais elle nous revient un peu malgré nous lorsque les autres français nous confient répondre qu'ils sont suisses ou belges quand on leur demande d'où ils viennent. S'en suit alors un débat animé entre nous où on a du mal à choisir entre devenir belge ou suisse. Raphaël nous indique calmement avoir vu passer un homme avec une kalachnikov (qui s'avère être un transporteur de fonds) et lorsque l'imam lance un énième appel à la prière, Nicolas (qui s'en fout) chantonne sur le même air que lui "coupez leur les pieeeeeds, ils pourront plus surfeeeeeer ". Tout cela est vite oublié et chacun retourne à ses occupations: cartes, échecs, enlevage d'épines d'oursins à la lame de rasoir ou encore 48h de sieste pour Vincent, l'heureux élu de la gastro du séjour. En ce qui me concerne, c'est retour chez le docteur! Le scénario est assez étonnant. Je me couche à 22h puis me lève à 4h en pleine forme pour allez aux toilettes, me recouche et lorsque je me relève pour de bon trois heures  plus tard, je peux à peine plier mon dos et ma nuque. Comme au Panama. Grâce à la relation spéciale que j'ai tissé avec le corps médical, je demande avec le sourire où se trouve le médecin du village. Andri me répond qu'il y en a une mais c'est pas vraiment une médecin. Ah. C'est une infirmière alors? Mmmhh non plus. Il lève sa main horizontalement au dessus de sa tête et m'indique "docteur" puis  la baisse de 10 centimètres et dit "elle". Il me faut alors comprendre si elle est moins compétente qu'un docteur ou de plus petite taille. On m'amène en scooter au cabinet de la presque docteur. En arrivant, mon chauffeur du moment me la montre du doigt en me disant que c'est son frère. A en juger par la féminité évidente de la personne qu'il m'indique, j'en déduis qu'il devrait parfaire son anglais ou consulter un psychiatre. Mais le plus étonnant, c'est que la jeune femme est à ce moment précis installée derrière un stand de fruits et légumes. Il échangent quelques mot en indonésien, elle enlève son tablier et passe en quelques secondes de maraîchère à presque docteur. Aucun de nous deux ne parle le langue de l'autre mais on rit beaucoup et je finis par comprendre qu'elle me prescrit des anti-inflammatoires. Çà va mieux très vite, ce qui nous permet d'être à nouveau tous à l'eau les derniers jours, dans du 2,5 mètres parfait...
Puis il faut rentrer la mort dans l'âme, en France pour les uns, au Vietnam pour un autre et à New York pour moi. Tout triste certes mais avec un projet dont j'espère vous parler bientôt!

La fine équipe (moins le photographe)

 La fine équipe et la vaaaague

L'homme qui murmurait à l'oreille du riz


L'homme qui lisait le bras en l'air et le sternum rentré

Double Interview simultanée en direct live à moitié nu

 La brume qui lèche l'aurore éveille en moi un sentiment de... Oh ta gueule avec tes poèmes!

Les joueurs d'échec les plus lents du monde

 La jolie route pour aller choper internet

Une poule

 Une autre poule

Pas du tout une poule

L'enfant qu'on avait privé de chapeau pointu

  De gauche à droite et de haut en bas:
Le shaper le moins cher du monde, Nicolas, Vincent, Raphaël, Matthieu, Sylvain (moi), Andri