Je pensais
partir entre trois et six mois, j’ai fait durer le plaisir une petite année.
C’est passé vite mais le savais dès mon départ alors j’ai enregistré quelques
images et sensations marquantes dans un coin de ma tête que je protège
férocement d’Alzheimer. Ecrire ce blog m’a aussi permis de garder une trace de
ce voyage qui me semble parfois n’avoir jamais eu lieu. Il m’a tenu compagnie
dans les moments de solitude et m’a conforté dans l’idée que j’aime arranger
les mots de telle sorte à faire sourire les gens. On se sent un peu différent
quand on a passé tant de temps à se promener d’un pays à l’autre, gouverné par
ses seules envies du moment. Tellement de paysages inhabituels, de gens
particuliers, de situations intenses ou grotesques et tellement de vagues bien
sûr. Vous vous en foutez vous de ces vagues, et pourtant, si vous saviez !
Parce que ce n’est pas qu’une histoire de glissade mes amis ! C’est aussi
des journées à faire le bouchon dans l’eau en regardant planer les pélicans qui
suivent la houle les uns derrière les autres en frôlant la surface. C’est des
heures et des heures au coucher du soleil lorsque le vent se calme, que la
horde rentre chez elle et ne restent là que quelques silhouettes sombres
désormais muettes pour profiter des teintes qui changent à chaque minute, du
calme qui s’installe, et de ces masses lisses qui avancent sans bruit. C’est
aussi parfois des trombes d’eau démesurées qui tombent d’un ciel dont on jure
qu’il était bleu la dernière fois qu’on a levé la tête, trombes d’eau aussi
tièdes que la mer qu’elles remplissent avec tellement d’ardeur que les gouttes
semblent autant venir d’en bas que d’en haut. Dans cette grande piscine
blanchie par les impacts, il n’y a plus alors que des gamins espérant que ça va
continuer encore un peu. C’est aussi des moments où on a peur, une peur que
l’on fuie en temps normal mais que l’on recherche presque ici , puis en une
seconde le plaisir prend la place sur tout le reste et alors on file, on file…
Parfois on passe un peu de temps sous l’eau, parce qu’il faut bien saluer les
poissons, on est chez eux quand même. C’est un ensemble de plein de choses qui
pourraient vous donner l’envie d’y goûter et d’aimer ça. Mais n’en faîtes
rien ! D’abord parce qu’on est complet désolé et puis parce que c’est
aussi malheureusement un concentré de mâles débiles très prompts à aller taper
sur leur prochain pour une vague gâchée, une priorité volée, un minuscule bout
de territoire qui donne à l’homme l’opportunité d’être encore plus con, domaine
dans lequel Dieu a déjà eu la main leste.
On se sent
différent, ou peut-être que l’on a envie de se sentir différent après un long
voyage, de se dire qu’on ne peut quand même pas rentrer en étant le même, qu’il
y avait un sens un peu plus profond. Ca doit dépendre de chacun sans doute mais
il est sûr que les centaines de conversations, de quelques secondes ou
plusieurs heures, que j’ai pues avoir avec d’illustres inconnus aux parcours différents
ont à chaque fois éveillé ma curiosité, muri ma pensée et façonné un imaginaire
qui devrait me servir dans ma nouvelle voie. Après avoir répondu un nombre
incalculable de fois aux traditionnels comment tu t’appelles, d’où tu viens, où
tu vas, qu’est-ce que tu fais dans la vie, quel âge as-tu, depuis quand et pour
encore combien de temps voyages tu, j’aurais pu me lasser néanmoins.
Heureusement dans le lot, il y eut de belles rencontres ou des rencontres simplement
atypiques, comme on peut en faire à tout moment dans la vie mais en l’occurrence dans des lieux
uniques, inhabituels, avec le temps devant nous pour juste profiter de la
présence de l’autre. L’une de ces rencontres m’aura mené à passer cinq mois à
New York après l’Amérique latine, non plus comme touriste mais comme
travailleur illégal. Autre ambiance, au revoir les plages et le quotidien
simple, bonjour la ville monde, l’effusion de possibilités, le bitume, l’eau et
la nature en quelques stations de métro. Ville de show par excellence, de très
nombreux comédiens ou humoristes tentent de percer dans le milieu et se
produisent dans des multiples café-théâtre plus ou moins renommés. Je me suis
joints à eux en écrivant pour l’occasion un sketch de 5 minutes en anglais que
j’ai joué à trois reprises. Très bonne expérience, gros stress au départ et un accueil plutôt chaleureux à l’arrivée.
Seul bémol, je n’ai pas pu être filmé et pourtant c’est un souvenir que j’aurais
vraiment aimé ramener à la maison.
Un matin,
après 10 mois passés hors du mode de vie que j’avais connu pendant 29 ans, il a
fallu rentrer. Il faut bien l’avouer, je n’en avais pas la moindre envie. Rester
en mouvement en se laissant porter par ses humeurs, quand on a la chance de
pouvoir le faire, crée un sentiment comparable à de l’addiction. Il fallait
peut-être y mettre un terme. Ou peut-être pas. En tout cas Noël est arrivé et
m’a permis de revoir ma famille avec grand plaisir et mes amis avec grand
plaisir et grandes bières. A tous ces gens qui me sont proches, je tiens à
m’excuser pour mon caractère et mon moral en berne pendant cette période. J’ai
dû composer avec certains évènements qui sont maintenant derrière moi et
j’espère bien me rattraper à mon retour. Ah oui, parce que je suis reparti au
fait ! Il faisait trop froid en France et ma boulangère faisait trop la
gueule. Mais je suis pas reparti trop loin, au Maroc ça s’appelle, j’y surfe et
quand il n’y a pas de vagues, j’écris quelques bêtises dans ma machine à écrire.
Avec un peu de chance, je ferai ça pour la prochaine décennie.
Le lama mouillé.
P.S :
Maman, Papa, ne vous faîtes pas de souci pour mon futur, je suis tombé par
hasard sur une photo de moi dans 10 ans et apparemment tout va bien.
Union square, New York
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